ENERGIE- ENQUETES
ET REPORTAGES - RICHESSES SOUS SOL ALGERIE
Un potentiel encore inexploré et une rentabilité qui reste à
déterminer : Les richesses exceptionnelles du sous-sol algérien
© El Watan/ AMEL BLIDI , dimanche 26 juillet 2020
Malgré sa diversité, l’activité mines et
carrières ne contribue qu’à hauteur de 1% au Produit intérieur but (PIB) du
pays.
A l’exception des projets pour la
production des matériaux de construction, très peu d’investissements dans le
domaine des mines ont été enregistrés. Pire encore, l’Algérie importe pour
quelque 100 millions de dollars par an de produits dont son sous-sol regorge ;
il s’agit du marbre, granite, baryte et même de gravier.
Aujourd’hui, le gouvernement veut
rectifier le tir, en misant sur le secteur des mines pour se sortir de la
dépendance aux hydrocarbures. Cela n’est pas gagné pour autant.
Pour attirer les investissements,
il est nécessaire de disposer d’un potentiel géologique identifié. Or, les
gisements n’ont, pour la plupart, pas été étudiés avec précision. La
rentabilité et la faisabilité d’une éventuelle exploitation reste une grande
inconnue. A cela il faut ajouter les contraintes et la volatilité des cours du
marché mondial des métaux, qui condamneraient le pays à compter sur une rente
dépendant de facteurs externes.
Le fait est, par ailleurs, que le
développement de l’industrie minière exige la connaissance de la chaîne de
production et la maîtrise des techniques et des hautes technologies. Le secteur
des mines reste malgré tout un atout indéniable, d’autant que le sol algérien
contient la plupart des minéraux, dont ceux des industries du futur (économie
digitale, batteries solaires et de véhicules électriques, terres rares pour
moteurs électriques, matériaux pour le transport de l’électricité, panneaux
solaires, etc.) ainsi que des mines stratégiques telles que le phosphate et le
fer. Petit aperçu.
L’Or
Les quantités d’or sont estimées à
près de 121 millions de tonnes dont seulement une petite partie est exploitée
par l’Enor. Sur les 500 PPM (Partie par million) que recèlent les gisements
d’or, notamment dans le Hoggar central, l’Algérie n’en exploite, selon le
géologue Nacerredine Kazi Tani, que 10 PPM. Les principaux districts aurifères
d’Algérie se situent, selon Nacereddine Kazi Tani, dans le Hoggar avec 300
indices et gisements. Les sites majeurs sont situés à In Ouzzal (26,5 t à
25g/t), la zone pharusienne juvénile (4,1 t jusqu’à 500g/t), le Hoggar central
(55t), l’Est Hoggar région de Tiririne (50 t jusqu’à 25g/t).
Il existe aussi d’autres gisements
d’or à Tin Zekri (Illizi) et à Tiririne-Hanine (Tamanrasset), octroyés à des
sociétés étrangères qui n’arrivent pas à les concrétiser. Dans l’espoir de
booster l’exploration du potentiel aurifère, le ministre des Mines, Mohamed
Arkab, a annoncé que les jeunes de la région pourront constituer des
coopératives pour prospecter et exploiter des mines d’or dans le sud du pays,
ce qui mettra fin à l’exploitation anarchique de cette ressource minière.
Le ministre a ainsi expliqué que
«ces coopératives se verront attribuer des périmètres pour la prospection
artisanale de l’or», ajoutant que «la collecte et le traitement de l’or extrait
seront assurés par l’Entreprise d’exploitation des mines d’or (ENOR) et les
jeunes des coopératives seront rétribués».
Les terres
rares
Le potentiel en terres rares est
encore inexploré. Des indices intéressants montrent qu’il pourrait y avoir un
important gisement dans la région proche de l’Aïr. Des traces des carbonatites
et fénites d’Ihouahène ont également été décelées dans le Hoggar occidental. Il
est aujourd’hui nécessaire d’identifier et d’évaluer les réserves à travers des
travaux de recherche géologique, en vue d’une éventuelle valorisation. Les spécialistes
estiment que cela pourrait prendre plusieurs années pour y parvenir et que les
coûts d’une telle entreprise pourraient décourager les investisseurs, mais si
cela venait à se concrétiser, elles seraient d’un apport insoupçonnable pour
l’économie algérienne. Et pour cause, l’exploitation des terres rares (terme
désignant une quinzaine de métaux ayant des propriétés exceptionnelles) est
stratégique dans la mesure où elles visent le marché de haute technologie, soit
l’économie du futur.
Baryte
C’est l’une des absurdités dont
seule l’économie algérienne a le secret. Notre pays importe de la baryte,
notamment auprès de notre voisin marocain, pour une centaine de millions de
dollars, afin d’assurer le forage des puits pétroliers alors qu’il dispose, selon
les géologues, de gisements «incommensurables» de baryum et de strontium non
exploités. Récemment, le projet de valorisation du gisement de baryte de
Draissa a connu quelques péripéties qui ont retardé sa mise en œuvre en raison,
dit-on, de «mauvais choix » ayant entravé son aboutissement.
Fer
La mise en exploitation de la
carrière du minerai de fer de Gara Djebilet est l’Arlésienne évoquée par les
gouvernements successifs depuis l’indépendance. A son tour, le président
Abdelmadjid Tebboune a annoncé la mise en exploitation de Gara Djebilet dès le
premier trimestre 2021.
Problème : bien que le site
renferme d’importantes réserves géologiques (contenant près de trois milliards
de tonnes de minerais, dont 35% de fer), les études réalisées n’ont pas pu
trancher la question de la rentabilité et de la faisabilité du projet en raison
de la complexité de ce gisement (éloignement, isolement, manque
d’infrastructures de base…). Le souci réside également dans le fait que le fer
contient du phosphore et des impuretés (le rendant incompatible en sidérurgie),
nécessitant une onéreuse solution technique pour l’éliminer.
L’on affirme que cette difficulté
est en passe d’être réglée. Aussi, le gouvernement prévoit-il de réaliser une
usine pilote au premier trimestre 2021, ce qui permettra de collecter les
données pour atteindre, en 2023 et 2024, la dernière étape qui est celle de
l’exploitation. Il examine la possibilité d’y associer des partenaires chinois
ou russes.
Il est à signaler que l’Algérie
recèle d’autres gisements de fer, peut-être plus intéressants, du fait qu’ils
ne contiennent pas d’impuretés et avec des coûts de transport moindre.
En tout et pour tout, l’Algérie
dispose de près de 25 milliards de tonnes dont 4,6 gigatonnes (GT) à Gara
Djebilet.
Phosphate
Notre pays est le 5e exportateur
et le 10e producteur de phosphate au monde. Il n’exporte pourtant qu’une infime
partie de son potentiel : à peine un million de tonnes de phosphate alors que
le Maroc a atteint 40 millions de tonnes d’exportation. L’entreprise publique
Somiphos, du groupe Ferphos, dispose d’importants gisements de phosphates à
Djebel Onk, dont les réserves sont estimées à 2,2 millions de tonnes. Le
gouvernement avait lancé, il y a quelques années, un ambitieux plan prévoyant
de porter la production annuelle de phosphates de 1,5 à 10 millions de tonnes
d’ici 2025. L’actuel président a insisté sur la relance du projet de
fabrication de produits phosphatés à El Aouinet (Tébessa). Il est à souligner
que le phosphate algérien est généralement exporté sous sa forme brute, alors
qu’il serait, selon les experts du domaine, plus profitable d’en vendre les
produits dérivés tels que les engrais phosphatés.
Cuivre, Zinc
et Plomb
L’Algérie compte aussi de grands
gisements de cuivre, un matériau très utilisé dans les véhicules électriques.
Plusieurs gisements ont été découverts, selon l’étude du géologue Nacereddine
Kazi Tani, dans le Hoggar – Hoggar : Tan Chaffao, 6,6 Mt cuivre (0,56 à
1,2%), zinc (1,65%), plomb (0,43%). Le gisement de cuivre du Bou Kaïs, bien
étudié par le BRMA (Meindre 1953) et Sonarem, est estimé à 50 Mt.
L’un des projets les plus attendus, dit très prometteur, est celui de
l’exploitation de Tala Hamza. Nombreux sont les gisements de plomb-zinc en
Algérie. Les plus importants se situeraient à El Aouana (Jijel), Chaabet El
Hamra et Kherzet Youcef (Sétif) ainsi qu’à El Abed (Tlemcen).
Sel, Gypse
et Argile
La région de Tindouf, dans le
sud-ouest du pays, est riche de diverses potentialités minières, notamment en
matière de ressources non fereuses comme le sel, le gypse, l’argile et la
chaux. On estime les réserves de sel au Sahara à 400 000 milliards de tonnes et
autant en Algérie du Nord. En profondeur, son extraction est facile, d’après
les spécialistes, car très soluble. Il y a également du sel de potasse dans le
nord-est du Sahara, d’une quantité qui avoisinerait les 2800 milliards de
tonnes. «C’est la réserve la plus considérable pour un produit aussi
stratégique, car il conditionne l’alimentation de bientôt 9 milliards d’êtres
humains à nourrir dans les prochaines années», écrit Kazi Tani. Il est à la
base d’engrais au même titre que l’ammoniac et le phosphate (NKP), en plus de
nombreuses autres applications industrielles.
Marbre et Granit
Selon l’Agence nationale des
produits miniers (Anem), des investissements importants ont été réalisés dans
la wilaya de Tamanrasset pour la production du marbre et du granit, deux
produits que l’Algérie importe depuis des années. Des efforts ont été entrepris
pour exploiter les carrières de marbre et de granit de qualité à Outoul,
Aguenar, In Guezzam et Silet dans la région de Tamanrasset. L’objectif de la
société est de satisfaire les besoins nationaux en la matière.
Lithium,
Vanadium et Coltan
L’une des particularités des
sous-sols algériens concerne la présence de lithium, de wolfram et de coltan,
très courus par les investisseurs étrangers, car ils sont indispensables aux
technologies du futur.
Le lithium est un élément majeur
dans les nouvelles énergies à la fois pour les stocker (batteries) que comme
carburant dans la fusion nucléaire qui est promise à supplanter toutes les
autres énergies dans un avenir à moyen terme.
L’Algérie dispose également du
béryllium, un métal important dans les circuits intégrés électroniques sous la
forme d’alliage cuivre-béryllium et dans la fusion nucléaire comme matériau de
couverture du plasma ainsi que dans l’aéronautique et l’industrie spatiale.
Nous avons également du coltan (niobium, tantale), très recherché dans la très
haute technologie, et qui fait l’objet des «guerres sales» en République
démocratique du Congo (RDC).
Le sous-sol algérien recèle, par
ailleurs, des réserves de vanadium, un métal qui se négocie à 1200 euros le
kilo. C’est un métal qui entre dans la composition d’alliages de haute
performance et dans les batteries du futur.
Uranium
Des gisements d’uranium sont
reconnus au Hoggar (Timgaouine) où ils sont évalués à 26 000 tonnes. Mais des
réserves gigantesques existent, selon le professeur Kazi Tani, dans le Silurien
du Sahara où il est à hauteur de 16 500 t/km², soit un total de 9,5
Gt. Notre pays dispose également de thorium, un métal qui devra, à en croire
les experts, remplacer l’uranium dans les centrales atomiques car moins
versatile et donc plus sûr sur le plan de la sécurité. Au Sahara, selon le
professeur Kazi Tani, nous avons un gisement de 600 000 t de Th, ce qui
équivaut alors sur le plan énergétique à 750 milliards de mètres cubes de
pétrole, soit près de 79 fois tous les hydrocarbures découverts au Sahara.