CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECUEIL LETTRES BACHIR HADJ ALI- « LETTRES A LUCETTE…… »
Lettres à Lucette, 1965-1966. Centrale de
Lambèse,-Annaba-Dréan-Annaba. Recueil de
lettres de Bachir Hadj Ali (préface de Naget Khadda). Rsm Communication,
401 pages , 830
dinars, Alger 2002
Une histoire hors du commun que celle de
Bachir et de Lucette-Safia
Tout d’abord, un fait extrêmement rare, donc
curieux, donc à relever……et prémonitoire : Bachir et Lucette (originaire
d’Oran, née Larribère, l’oncle étant celui qui avait
« inventé » l’accouchement sans douleur) sont nés le même jour (un 8
mars…Journée internationale de la femme) …. la même
année. Ils se sont connus en militant dans le mouvement national au sein du
parti communiste alors engagé dans la lutte de libération nationale.
Bachir Hadj Ali, alors premier secrétaire du
PCA, est arrêté le 20 septembre 1965. Il n’avait que quarante cinq ans. Après
les « traditionnelles » séances de torture Chemin Poirson
(locaux de la Sécurité militaire/Alger) , il
retrouvera , à la Centrale de Lambèse, d’autres miltants
ainsi que Hocine Zahouane
, dirigeant au Fln et Mohamed Harbi, autres
dirigeants de l’ORP . Tous des
résistants au coup d’Etat du 19 juin 1965. Il « voyagera » ainsi de prison en prison : Lambèse, Annaba, Drean (près de Annaba), Annaba, Alger durant trois années (65-68) ….et de résidence surveillée en résidence
surveillée durant deux autres années ( Saida, Ain Sefra). On devine les nouvelles « tortures » , autrement plus douloureuses, subies lors de
la séparation forcée , et dues à des facteurs exogènes. Pour toute la famille.
Pour les enfants encore jeunes et scolarisés. Pour les vieux parents qui
n‘avaient pas totalement joui de la présence à leurs côtés de leurs enfants.
Et, surtout pour le couple. Un couple qui s’ « a i.m.a.i.t »
à la folie…comme ils ont aimé, à la folie, côte à côte, la lutte pour l’indépendance du pays et la
lutte pour le progrès après l’Indépendance.
Heureusement, il y avait l’avantage et les
faveurs (Sic ! car la censure sévissait pour tout ce qui lui semblait
« politique », un concept élastique…tout en profitant, certainement,
de la vaste culture du prisonnier et de sa vision de la culture nationale…et
tout en apprenant énormement sur les relations
sentimentales) du courrier, avec ses lenteurs (re-sic !)
dues tant au contrôle préalable qu’aux retards de la Poste.Mais
il y avait , aussi, les grèves de la faim, les mesures de rétorsion, les interdictions
de visites, l’isolement familial, les conditions matérielles de détention
parfois infâmes….
Donc , des lettres . Clandestines ou passant par la voie officielle mais censurées. De
novembre 65 à janvier 67. Longues. Courtes. Très courtes…..Avec, parfois, des
dessins (p 42. « Ce parterre de fleurs » de 1966). Des poèmes aussi
(p 345, « A ma femme. . Pour son
anniversaire », Sublimissime !). Toutes, d’amour d’un époux pour son
épouse. D’un père pour ses enfants et sa famille. Et, aussi d’inquiétudes et d’angoisses.
Bachir est décédé le 9 mai 1991 et Safia -Lucette le 3 juillet 2014.
Avis : A tous
les (vrais) amoureux d’Algérie , jeunes ….et/ou vieux
. A ne pas rater.C’est aussi la description du
couple désaliéné comme beaucoup de nos
jeunes (pas tous, hélas !) rêvent de l’être (voir ,
sur ce point, la belle préface de Naget Khadda). C’est , enfin, la
description, de la vie…. en prison, pour « raisons politiques » ..en temps de dictature.
Extraits : « Comment
puis-je t’oublier ombre de mon ombre/Comment
puis-je t’effacer traces de mes pas/Comment puis-je t’ignorer visage de mes
pensées/Reflet de mon amour amour de mon
reflet » ( Exergue. Chanson entendue à la radio
par Bachir H-A et « offerte » à Lucette dans une lettre du 5 mai 1968 , p V), « Tu es ma vie aussi et de te savoir
vivante, debout, aimante de ton amour inextinguible, me donne les forces
d’Antée (dès qu’il touche la terre, sa mère). Tu es ma terre ferme et ma femme
adorée et je ne me lasserai pas de te le dire » (p 51), « Un ouvrier, un technicien ou un
artiste qui s’applique dans son travail, en d’autres termes qui aime la beauté
, est en général un homme bon. Il l’exprime , cette bonté , à sa
façon :elle se reflète dans son travail » (p 229), « C’est vrai
que des rapports « amicaux » s’établissent ainsi entre l’homme et
l’œuvre d’art et que la vision de l’homme change grâce à l’art » (p 243),
« L’art seul ne suffit pas à rendre les hommes meilleurs « (p 244),
« Ce qui est universel dans la plus modeste œuvre d’art, c’est ce qui, en
elle, est vérité pour d’innombrables hommes et femmes , pout toute leur
existence ou pour un moment de leur vie » (p 277), Vers librement
extraits du poème dédié à son épouse
pour son anniversiare :« Tu es au centre de
ma raison songeuse/Tu es murmure de mes prairies inondées/Tu es mon rêve
somnolence verte/Tu es en moi plus présente que l’absence/Tu es de mes chants
le feu et la lumière » (pp 346 et 346)