FINANCES – ETUDES ET ANALYSES - FUITE DES CAPITAUX 2003/2012- RAPPORT GFI 2014
L’Algérie a enregistré près de 16 milliards de dollars de flux financiers illicites en dix ans, soit une moyenne de 1,575 milliard de dollars de fuite de capitaux par an, selon un rapport (décembre 2014) du cabinet américain Global Financial Integrity (GFI) intitulé «Flux financiers illicites issus des pays en développement : 2003-2012». Avec précisément 15,753 milliards de dollars sortis illicitement, l’Algérie a été classée à la 46e place sur 151 pays concernés par le rapport. Le cabinet américain révèle que les fuites de capitaux ont augmenté crescendo depuis le début des années 2000, avec 490 millions de dollars enregistrés en 2003, pour atteindre progressivement 2,259 en 2006 et un pic de 3,378 milliards de dollars en 2008 et 3,172 en 2009. Pour l’année 2012, dernière année ciblée par le recensement des actes de transfert illégal, ce sont 2,620 milliards de dollars qui ont été sortis illégalement d’Algérie, selon le rapport, au détriment du développement de la croissance, de l’emploi, et du bien-être de la population.
Cette fuite de capitaux, qui n’est évidemment que la partie visible de l’iceberg et de l’éclatement des scandales financiers, à l’image de Sonatrach, est «le fruit de la corruption, du crime et de l’évasion fiscale et est effectuée en général, selon ce que signale le rapport, à la faveur de facturations frauduleuses». L’ONG recommande que dans les pays étudiés, dont l’Algérie, «les gouvernements établissent des registres publics mentionnant les propriétaires de toutes les entités légales et que les régulateurs financiers exigent des banques qu’elles connaissent les réels propriétaires des comptes» vers lesquels l’argent illicite est transféré.
Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, la fuite de capitaux s’est nettement accélérée en dix ans, grimpant au rythme annuel de 24,2%, souligne par ailleurs le rapport. Globalement, «ces flux de capitaux, qui dépassent déjà le montant cumulé des investissements directs étrangers (IDE) et de l’aide officielle au développement privent de près de 1000 milliards de dollars par an les économies des pays pauvres ou à revenus moyens», a souligné le président de l’organisation Raymond Baker cité par l’AFP.
«Ce sont quasiment 1000 milliards de dollars qui auraient pu contribuer à la croissance de ces économies en créant des emplois», a-t-il ajouté. Pour 2012, la fuite de capitaux illicites est 1,3 fois supérieure aux 789,4 milliards de dollars d’investissements directs placés dans les pays étudiés. Elle est aussi 11,1 fois plus importante que l’aide officielle au développement reçue par ces économies (89,7 milliards de dollars). «Plus alarmant encore est le fait que ces fuites de capitaux progressent au rythme inquiétant de 9,4% par an, soit deux fois plus vite que la croissance de l’économie mondiale», a ajouté le responsable de l’ONG.
Le classement des pays où interviennent les plus importantes fuites de capitaux place la Chine au premier rang avec 1250 milliards de dollars entre 2003 et 2012 et 250 milliards de dollars pour la seule année 2012, suivie par la Russie avec 973 milliards de dollars sur dix ans et le Mexique avec 514 milliards de dollars sur la même période. Viennent ensuite l’Inde, la Malaisie, l’Arabie Saoudite, le Brésil, l’Indonésie, la Thaïlande et le Nigeria.
Au Maghreb, Les sorties illicites d’argent des pays ont atteint les 36,77 milliards de dollars en une décennie
De 2003 à 2012, l’Algérie a enregistré la plus importante fuite de capitaux dans la région du Maghreb avec 15,75 milliards de dollars, suivie par la Libye (10,78 mds USD), le Maroc (9,97 mds USD) et la Tunisie (277 millions USD). Les données sur la Mauritanie ne sont pas disponibles. Les données du rapport du cabinet américains GFI montrent que les sorties illicites d’argent de la Libye ont été réalisées en 4 années, soit en 2005, 2008, 2010 et 2012 et en 5 années pour la Tunisie ( de 2003 à 2007).
Les mêmes données montrent par ailleurs les fuites de capitaux, issues des transactions frauduleuses, criminalité, corruption et évasion fiscale ont évolué en dents de scie durant la décennie 2003-2012 pour la plupart des pays de la région. En Algérie, les fuites de capitaux enregistrées en 2003 ont atteint 490 millions de dollars, 751 millions en 2004, 189 en 2005 pour atteindre les 2,25 milliards en 2006 avant de descendre à 1,3 milliards en 2007. Le pic a été atteint en 2008 avec 3,37 milliards de dollars et 3,17 en 2009 avant de descendre 1,4 milliards en 2010, 187 millions en 2011 et 2,6 milliards en 2012.
Le Maroc a enregistré ses plus grands flux en 2005 et 2009, avec respectivement 3,5 et 1,8 milliard de dollars. L’année 2011 a été celle où l’on a enregistré les plus faibles fuites (243 millions), alors qu’elles étaient 554 millions en 2003. Pour la Tunisie, ce sont 47 millions de dollars qui ont été sortis illégalement en 2003, 128 millions en 2004, 28 millions en 2005, 37 millions en 2006 et 37 millions en 2007. En Libye, les fuites de capitaux ont augmenté crescendo depuis 2005 avec 1,4 milliards de dollars de sortie illicites d’argent pour atteindre son pic de 5,3 milliards en 2012.
Au niveau continental, c’est le Nigeria, un grand pays pétrolier, qui a enregistré les plus importantes fuites de capitaux, avec 157,46 milliards de dollars durant la décennie 2003-2012, suivi par l’Afrique du Sud (122,14 mds USD) et l’Egypte (37,68 mds USD).
Les fuites de capitaux ont atteint par ailleurs 6600 milliards de dollars entre 2003 et 2012 dans l’ensemble des pays émergents et en développement. La Chine a été la plus touchée par ce phénomène (1250 milliards de dollars), suivie par la Russie (973 mds USD), le Mexique (514 mds USD ), l’Inde (439 mds USD), la Malaisie (394 mds USD) et l’Arabie Saoudite (308 mds USD).
Le rapport constate que les flux financiers illicites ont augmentées en moyenne d’un taux ajusté en fonction de l'inflation de 9,4% par an. Cependant, les auteurs du rapport notent que dans de nombreuses parties du monde, les flux illicites se développent beaucoup plus rapidement, en particulier au Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) et en Afrique subsaharienne, où les flux illicites ont augmenté de 24,2 % et 13,2 %, respectivement.