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Roman Suzanne El Kenz- "Aux pieds de ma mère"

Date de création: 06-06-2020 16:57
Dernière mise à jour: 06-06-2020 16:57
Lu: 834 fois


RELATIONS INTERNATIONALES- ROMAN SUZANNE EL KENZ – « AUX PIEDS DE MA MÈRE »

Aux pieds de ma mère. Roman de Suzanne El Kenz. Editions Frantz Fanon, Tizi-Ouzou, 2016 (Editions de l’Aube, France, 2013) , 204   pages, 157  dinars.

 Une autobiographie romancée ?La continuation du premier ouvrage de l’auteure, « La maison du Neguev » ? Très certainement. Car il y a un fil conducteur lié à l’exil, lié au pays perdu (pour toujours ?) et retrouvé occupé...la Palestine mère. Lié à un peuple que l’on ne reconnaît presque plus, car éparpillé, chacun vivant un quotidien à sa manière, absorbé par le pays d’accueil. Ne restent plus bien visibles que des boutiques « palestiniennes » vendant des produits de l’économie de marché « made in China » .....et le «  keffieh » ce fameux foulard , alors signe de ralliement universellement connu (représentant l’être debout brandisant sa révolte)  dont, maintenant,  on se recouvre le visage pour mieux s’endormir....et/ou pour ne plus voir la « réalité ».Le grand drame, c’est qu’il a plusieurs exils cumulés tuant l’humain « à petit feu » .

D’abord, l’exil de la terre-mère. L’auteure nous le raconte à travers sa rencontre , lors d’une visite au cimetière algérois où est enterré sa maman, d’un escargot sur la tombe....L’exilé palestinien est comme cet escargot allant d’un endroit à un autre en se traînant, avec pour seul abri sa fragile coquille et pouvant être écrasé par n’importe quel passant.Elle nous le raconte aussi à travers un voyage « touristique » effectué dans son pays natal, en compagnie de ses deux enfants.

Il y a  aussi l’exil intérieur. Car , le temps étant compté, il y a toujours un moment de sa vie où l’on s’interroge sur soi, et sur les autres, tous les autres. Des couches « d’étrangèreté », très lourds à porter. 

N’y a-t-il  de solution que dans la « fuite en avant » .D’exil en exils !

 

 

L’Auteure : Née à Ghaza, dix années après la « Naqba ».Vivant entre Nantes où elle enseigne la  langue arabe,  d’origine palestinienne ayant grandi et étudié en Algérie où ses parents y étaient réfugiés, obligée elle-même (ainsi que son époux, le sociologue Ali El Kenz) de s’exiler en Tunisie puis en France (durant la décennie rouge) , elle a déjà publié « La maison du Neguev » (Apic, 2019). Un livre superbement écrit, avec le cœur, avec les tripes, avec les larmes au fond des yeux. Un livre douloureux mais beau.  Le livre  avait , d’ailleurs, obtenu le prix Yambo-Ouologuem

Extraits : « Dieu, grand Allah, sacré Dieu, aidez-nous à avoir un pays, un Etat, et mettez à sa tête tous les salauds que vous voulez et qui existent comme partout ailleurs » (p 26), « Le Mur ! Oui, il est là cette fois-ci, intégralement achevé. Quelle œuvre !Bravo les Israéliens , grands colonisateurs bâtisseurs !Il coupe le souffle, il coupe les âmes, il coupe les regards, il coupe les vies, il coupe mon pays.....Il fait écran à toute perpective . Aucune perspective : rien que du béton , agressif, insolent, méchant, blessant, violent.. » (p 58), « Mon pays est occupé et nous sommes occupés à résister et à nous battre - à faire la guerre si tu veux .Mais si seulement on savait la faire !Cela fait des années qu’on se prend des claques, et même quand on a voulu faire la paix , ce fut un échec » (p 87) «  Pour nous, la machine s’est arrêtée un jour. Les vieux n’ont jamais compris pourquoi, les tout jeunes non plus. Et nous sommes restés avec nos fichues explications marxistes, historiques et autres élucubrations intellectuelles qui, qu’elles qu’en furent la justesse ou la perspicacité , n’ont point éclairé nos chemins ni nous ont donné la quiétude » (p 125 )

 Avis : Une tristesse qui fend le cœur tant  la déchirure décrite est grande.Le roman décrit aussi une « certaine vie » algéroise !

Citation : « Quand elles (les femmes) font des analyses pertinentes, les hommes de l’entourage les écoutent peu, d’une oreille distraite  et vont jusqu’à reprendre ce qu’elles disent mais à leur propre compte, comme si elles n’avaient rien dit : c’est du vol pur et simple ! » (p 50),