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Algérie/Exécutif provisoire 1963/Composition

Date de création: 19-03-2022 18:18
Dernière mise à jour: 19-03-2022 18:18
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HISTOIRE- INDEPENDANCE - ALGÉRIE/ EXÉCUTIF PROVISOIRE, 1963/COMPOSITION

© www.elwatan-dz.com, Nadjia Bouzeghrane /Entretien Aissa Kadri, professeur honoraire des universités (France) , samedi 19 mars 2022.Entretien (Extraits)

La composition de l’Exécutif n’allait pas de soi. Le choix conjoint par le GPRA et le Gouvernement français, d’Abderrahmane Farès – qui venait de sortir de la prison de Fresnes – comme président, ne posa pas problème. La liste des 12 membres qui circula initialement a vu le remplacement de deux membres, un Français, Gaumont par Jean Mannoni et Abdelmalek Temmam dont on n’arrivait pas à trouver la trace (il était en prison) par Benteftifa pharmacien de Blida. Chawki Mostefai représentant le FLN, désigné initialement comme chargé de l’ordre public, demanda une délégation plus politique et fut désigné aux affaires générales, Belaïd Abdesslam également représentant le FLN, souhaita passer de la responsabilité des Postes à celle des affaires économiques, ce qui lui fut accordé. Non sans quelques petites frictions sur le partage des responsabilités et des domaines d’activité, la composition finale fut actée durant la première séance du 7 avril 1962 et officialisée le 14. Il y eut 12 membres représentant les différentes sensibilités et intérêts des populations algériennes (des Européens d’Algérie (3) , des membres représentants le FLN (5)  , des membres représentant la «société civile» (4) . 

Les personnalités qui firent partie de l’Exécutif provisoire ont représenté des catégories sociales issues du milieu des luttes politiques qui ont marqué l’Algérie coloniale. Ils se connaissaient et pour la plupart étaient acquis au dialogue entre les communautés. Abderrahmane Farès qualifié de «trésorier du FLN» était un homme d’une grande culture politique au fait des arcanes de la politique française ; infatigable intermédiaire qui a tenté, à l’image de Ferhat Abbas, des intermédiations, et qui a essayé de transformer de l’intérieur le rapport de force colonial. Les trois Européens étaient des hommes de dialogue et d’ouverture : Roger Roth, vice-président de l’Exécutif, avait été maire de Philippeville (Skikda) où il tenta une expérience de gouvernement municipal paritaire entre Européens et Musulmans. 

Il sera, et c’est peu connu, président de l’Assemblée nationale de l’Algérie indépendante en 1964, au lendemain de la démission de Ferhat Abbas (il dit avoir présidé l’Assemblée lors de l’essai nucléaire français de Reggane). Charles Koenig, maire de Saïda était enseignant, syndicaliste du SNI (Syndicat national des instituteurs tendance majoritaire) partisan de la Table-ronde proposée par Messali Hadj en 1953. Jean Manonni, qui avait perdu une jambe dans un attentat OAS, avait occupé la vice-présidence de l’Assemblée algérienne pendant la période coloniale. Les représentants du FLN étaient majoritairement issus du comité central du PPA-MTLD, certains proches de Ferhat Abbas. 

Les membres de la société civile étaient des personnalisés, d’un grand charisme, reconnues et respectées par la grande majorité des Algériens. Derrière et en appui, il y a eu également tout un vivier d’indéniables compétences qui se sont mobilisées pour jeter les bases d’un démarrage des institutions de l’Algérie indépendante (entre autres, Mohamed Khemisti qui remplaça Mohand Mahiou comme directeur de cabinet de Farès ; A. Rahal, ancien udmiste, directeur de cabinet de Mostefaï, Abdelkader Zaibek comme directeur de cabinet de BenteftifaBenelhadj Djelloul celui de Koenig, Pierre Mahroug de Abdesslam, avec comme conseillers pour l’économie et le pétrole Joseph Sixou, Ahmed Ghozali et de nombreux autres experts et fonctionnaires sortis des grandes Ecoles. La trajectoire sociale de ces hommes était celle de «l’entre-deux» , de «spécialistes de la médiation», courant qui avait rallié certains centralistes, et qui s’entrecroise avec un autre courant minoritaire, celui dit des «libéraux», dont les idées et des pratiques relevaient plus de sensibilités que de doctrines établies. C’est dans la jonction de ces courants minoritaires que se réalise le travail de l’Exécutif, mais dans un contexte où le rapport de force était ailleurs.

La préparation et la mise au point des protocoles d’accord entre l’Algérie et la France (qui a concerné à peu près tous les domaines socio-économiques et culturels, notamment sur la situation des enseignants, sur les fonctionnaires, sur la justice, sur les travaux publics, sur l’OCRS, sur les transports, sur le code pétrolier, sur les accords et le contrôle financier), si elles soulevèrent quelques difficultés, aboutirent finalement à une signature conjointe le 28 août 1962. La préparation du référendum d’autodétermination mobilisa tous les délégués qui votèrent à l’unanimité, après débat, la question qui devait être posée. Pour rassurer la minorité européenne, l’Exécutif provisoire introduit la mixité dans les nominations des fonctionnaires. A côté des Algériens (Abdelamadjid Meziane, préfet de Béchar, Belkacem Ben Baatouche préfet de Tindouf, Mohand Mahiou préfet de Médéa, Abdelatif Rahal, préfet de Batna, Ahmed Medeghri, préfet de Tlemcen) l’Exécutif nomma également des sous-préfets et préfets européens (Ripoll Paul à Tiaret, Roger Mas à Aïn Témouchent, Audouard Pierre à Collo, Victori Albert, à Batna) dont certains continuèrent à exercer après l’indépendance. La Commission de Contrôle des élections présidée par Maître Sator a vu la participation d’Alexandre Chaulet (le père de Pierre), de Jacques Guyot, de Amar Bentoumi, d’El Hadi Mostefaï, d’Ahmed Henni.(………………………………………………..)

Après l’échange de courriers entre Abderrahmane Farès et le général de Gaulle le 3 juillet 62 où celui-ci affirma que la France «reconnaissait l’indépendance de l’Algérie et qu’en conséquence les compétences afférentes à la souveraineté sur le territoire des anciens départements français d’Algérie sont transmises ce jour (3 juillet) à l’Exécutif provisoire de l’Etat Algérien», le travail continua et ceci jusqu’à fin septembre avec la transmission des pouvoirs à l’Assemblée algérienne, puis en octobre avec la passation des pouvoirs entre délégués et ministres. L’Exécutif eut à organiser les élections à la Constituante. Dans les luttes internes au FLN qui s’exacerbaient, leur dimension politique échappa à sa responsabilité et il ne les prépara que sur le plan organisationnel. Il prépara la rentrée scolaire de 1962. Charles Koenig et Louis Rigaud du SNI Algérie, en lien avec le SAE-UGTA dirigé par Mohamed Farès et avec la FEN dirigé par James Marangé, ont permis l’ouverture des écoles avec la participation de 12 000 instituteurs dont une majorité de pieds-noirs. Sous la présidence de Ben Bella, l’Exécutif organisa en septembre des réunions dans les grandes villes du pays pour relancer les activités et assurer l’ordre.