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Algérie/ Mémoire/Benjamin Stora , mars 2022

Date de création: 18-03-2022 17:01
Dernière mise à jour: 18-03-2022 17:01
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HISTOIRE- ETUDES ET ANALYSES-ALGERIE/MÉMOIRE/ BENJAMIN STORA, MARS 2022 (II/II.EXTRAITS)

Quelle a été l'évolution du discours des présidents français à ce sujet ?Pour le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing et jusqu'à François Mitterrand, le discours a été très simple. Il s'est focalisé sur le partenariat économique avec l'Algérie, pays qui restait très important, notamment avec l'exploitation du gaz et du pétrole dans le Sahara. Il y a aussi eu des accords sur la gestion des migrations entre les deux pays.

Au début des années 2000, le discours change avec Jacques Chirac. En 2005, l'ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, condamne pour la première fois les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata [répressions sanglantes survenues le 8 mai 1945, en Algérie, pendant des manifestations indépendantistes]. En 2008, à Constantine, Nicolas Sarkozy condamne le système colonial. En 2012, à Alger, François Hollande reconnaît les souffrances infligées par la colonisation. Ces discours sont des gestes de reconnaissance de l'histoire, ils condamnent le colonialisme, mais sans nommer des actes précis.

Pour le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing et jusqu'à François Mitterrand, le discours a été très simple. Il s'est focalisé sur le partenariat économique avec l'Algérie, pays qui restait très important, notamment avec l'exploitation du gaz et du pétrole dans le Sahara. Il y a aussi eu des accords sur la gestion des migrations entre les deux payAu début des années 2000, le discours change avec Jacques Chirac. En 2005, l'ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, condamne pour la première fois les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata [répressions sanglantes survenues le 8 mai 1945, en Algérie, pendant des manifestations indépendantistes]. En 2008, à Constantine, Nicolas Sarkozy condamne le système colonial. En 2012, à Alger, François Hollande reconnaît les souffrances infligées par la colonisation. Ces discours sont des gestes de reconnaissance de l'histoire, ils condamnent le colonialisme, mais sans nommer des actes précis.

Emmanuel Macron marque-t-il une rupture ?Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron nomme des personnes et des lieux. Il reconnaît l'assassinat de Maurice Audin [ (………..) par le système colonial français, l'assassinat d'Ali Boumendjel, avocat et militant nationaliste. Il reconnaît la fusillade de la rue d'Isly, le 26 mars 1962 contre les Européens, le massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961, l'abandon des harkis…

Il y a un changement de tonalité opéré par des choses concrètes. Cela permet d'avancer de façon pratique dans la connaissance de l'histoire, c'est un changement important. Depuis la remise de mon rapport [sur "les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie"] en janvier 2021, il y a eu plus d'actes concrets qu'en soixante ans. Ces gestes sont une réponse à des mouvements citoyens, des associations d'enfants d'immigrés, de harkis, de rapatriés, de pieds-noirs, qui se sont battues durant des années pour qu'on reconnaisse ces événements et ces personnalités.

"Ces reconnaissances permettent de nommer les choses. Comme disait Albert Camus : 'Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde'."

Benjamin Stora 

à franceinIl y a eu aussi l'ouverture plus large des archives, résultat d'une bataille mémorielle livrée par les historiens depuis très longtemps. Bien sûr, il reste encore beaucoup de choses à faire. Dans mon rapport, j'ai proposé également de se pencher sur les essais nucléaires réalisés en Algérie et leurs effets. Je propose d'améliorer l'entretien des cimetières européens en Algérie, de rédiger un guide des disparus pendant la guerre.

Quel est l'état de la souffrance des personnes qui ont vécu la guerre et de leurs descendants ? Vous parlez de "communautarisation des mémoires" et de "compétition victimaire".Depuis la fin de la guerre, il n'y a pas eu un discours fort et commun sur la guerre, mais des lois d'amnistie, qui ont provoqué un fort ressentiment. Chaque groupe s'est fabriqué une identité à partir d'un personnage, une date, mais il n'y a pas eu de récit commun. Des fractures existent même au sein de ces groupes.Aujourd'hui, nous sommes certes sortis de l'oubli, mais pour tomber dans une sorte de "guerre des mémoires" qui s'est faite dans le désordre et dans le repli identitaire. Je lis aussi cette situation comme l'affaiblissement des batailles citoyennes qui profitent à un groupe particulier. On est désormais plus habitué à être dans un statut de victime que de combattant."Chaque groupe souhaite qu'on reconnaisse sa vérité de manière exclusive au détriment des autres. Le grand danger est de ne pas trouver de passerelles, de séparer les mémoires."…….

Benjamin Stora 

Comment cette mémoire est-elle traitée en Algérie ?Cette mémoire de la guerre s'enracine dans un temps très long, de plus de 130 ans, depuis le début de la colonisation en 1830 jusqu'en 1962. La guerre d'indépendance y est appelée "révolution". La mémoire est anti-coloniale, elle se caractérise par la dépossession des frontières, des massacres, des exactions, des déplacements de populations. Contrairement à la France, il n'y a pas d'aspect positif, c'est une mémoire douloureuse.Après la guerre, différentes mémoires se sont confrontées. Il y a eu d'un côté ceux qui ont été les pionniers du nationalisme algérien – Messali Hadj, Ferhat Abbas – et de l'autre ceux qui ont déclenché la guerre – Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem – et qui n'ont pas eu leur place après l'indépendance et ont été écartés de la scène politique. L'Algérie doit se réapproprier le travail des pères fondateurs de la guerre et du nationalisme algérien.Elle doit aussi voir comment elle situe la mémoire française dans son histoire, trouver une place pour les Européens d'Algérie, les Juifs indigènes (au sens de l'époque) séparés des musulmans par le décret Crémieux. C'est un travail très difficile dont on a commencé à avoir des traces dans les revendications du mouvement Hirak.

L'Algérie place la question de l'excuse comme préalable à toute discussion avec la France. Qu'en pensez-vous ?Je ne suis pas contre le principe de l'excuse, mais en général c'est utilisé comme un argument idéologique qui empêche concrètement d'avancer. Tous les grands discours de condamnation ou d'excuses que l'on a pu observer dans d'autres guerres n'ont pas permis de régler l'héritage du passé. Les Japonais ont fait beaucoup d'excuses aux Chinois, aux Coréens, après la Seconde Guerre mondiale, les Américains aux Vietnamiens après la guerre du Vietnam. Cela n'a pas empêché les mémoires de saigner, les revendications de continuer à s'exprimer………..

Benjamin Stora 

à franceinfo

Il y a des gens qui ne peuvent exister qu'en tenant c